Un bien commun peut servir à tout le monde. Mutuel et réciproque, il est partagé par différents êtres ou différentes choses. A l'heure du numérique et de l'économie du partage, cette notion longtemps cantonnée au monde des logiciels libres sort maintenant des écrans pour offrir des solutions à l'ensemble des ressources partagées par les citoyens dans les villes.
Et ça tombe bien: depuis le 6 et jusqu'au 20 octobre, le festival Ville en Biens Communs cherche à donner une visibilité à ces innovations sociales et citoyennes. Eclairage.
De Wikipedia à la justice participative"Quelles que soit leur échelle – de l’immeuble à la planète –, les approches par les biens communs apportent des réponses inédites et robustes, là où la puissance publique et le marché sont souvent absents ou inefficaces" affirment les organisateurs de l'événement qui compte pas moins de 160 rendez-vous dans une une trentaine de villes participantes en France, mais aussi au Canada, en Suisse, et en Afrique francophone (Mali, Burkina Faso).
S’inspirer du fonctionnement des communs ouvrirait de nouvelles voies pour répondre aux différentes crises écologique, économique, sociale... que traversent nos sociétés: zones urbaines transformées en jardins partagés, informations ajoutées dans l’encyclopédie Wikipédia, photo partagée sur wikicommons, cartographies OpenStreet Map nourries par les utilisateurs, savoirs traditionnels, logiciels libres, science ouverte, publications en libre accès, pédibus scolaires, fours à pains mutualisés, systèmes d’irrigation agricole partagés, semences libres, contenus éducatifs ouverts, échanges de savoirs, justice participative, données ouvertes collectées par les personnes... autant d'initiatives qui peuvent être gérées selon les communs.
Pour Valérie Peugeot, présidente de l’association VECAM (un réseau de réflexion sur l'internet citoyen), cette démarche permet de de remettre le citoyen au coeur de l'espace politique: "même si le rôle des municipalités, des élus et des administrations est essentiel dans la gestion et le développement d'une ville, il ne faut pas oublier que les habitants la façonnent aussi à leur manière. En choisissant de partager des savoirs sur leur ville, en s'auto-organisant pour gérer des jardins partagés ou des ruches sur les toits, en imaginant d'autres formes de production et de distribution que celles du marché classique, ils participent au développement de la "cité" au sens de la Polis grecque, c'est à dire une communauté de citoyens libres et autonomes".
Michel Briand, acteur des réseaux coopératifs, du numérique et de l'innovation sociale ouverte, estime pour sa part que "les villes en biens communs sont un terreau d'initiatives, de débats autour d'une société qui prenne en compte le "libre, solidaire et durable"".
Rendre visible de qui ne l'est plusCe vice président de Brest Métropole Océane est d'ailleurs à l'origine de Brest en biens communs, une mise en réseau des acteurs locaux initiée dès 2009 pour faciliter l'actions de ceux "qui intègrent l'accessibilité dans des cartes libres, qui font la promotion des ressources éducatives libres, nous interpellent sur les semences libres, la privatisation des données personnelles".
C'est ainsi qu'est née la "foire à la bidouille" qui a réunit plus d'un millier de participants en mai 2013, le réseau de cent documentalistes dans doc@brest, de "copy party", du portail des savoirs et des médiations numériques dans les bibliothèques de quartier.
"Dans ce mouvement des biens communs les collectivités locales ont à apprendre à fonctionner dans un mode plus contributif qui accompagne et aide à l'animation" estime l'élu citoyen pour qui le numérique est un formidable outil pour passer de la prescription à une approche soucieuse d'accompagner et intégrer les initiatives citoyennes.
Le festival, "à 98% auto organisé sur un mode totalement distribué", repose sur les principes même des réseaux numériques qui favorisent l'émergence de l'innovation sur les bords, sur les franges et pas au centre. "Sauf que là nous parlons d'innovation sociale et citoyenne, plutôt que d'innovation technique" rappelle Valérie Peugeot, surprise du succès de l'initiative: "nous pensions en démarrant le projet avoir 30 ou 40 événements dans 5 ou 6 villes au mieux!"
Libre et durableLa démarche repose aussi sur l'idée que le schéma de pensée des logiciels libres peut s'appliquer à l'organisation de nos sociétés. "Née au 12ème siècle, la notion de bien commun a été revisité de façon très pragmatique par les logiciels libres, en démontrant qu'on pouvait à la fois faire de l'économie et du droit autrement" explique Valérie Peugeot.
Et concrètement alors ? "Cela implique de penser le modèle économique d'une ressource partagée (en l’occurrence le code) et le modèle de gouvernance tels qu'il s'inscrit dans le droit (en l’occurrence les licences GPL)" détaille celle qui mène par ailleurs des recherches chez Orange Lab. Le modèle qui gère les biens communs est robuste juge-t-elle, et sait inspirer d'autres communautés, comme le prouvent l’open hardware (le matériel libre) et l’open courseware (les cours ouverts, aussi appelés MOOC) pour ne prendre que ces deux exemples.
Pour ces partisans du libre comme modèle de vivre ensemble, cette approche permet "d’inventer de nouvelles manières de penser notre développement dans une période d'enkistement de la crise économique et d'incapacité à penser la durabilité écologique de notre modèle". Une possibilité pour compléter - voir remplacer, le marché et la gestion publique, estiment les instigateurs du festival tout en reconnaissant qu’"il n'y a pas de dogme dans cette affirmation, mais un chemin à inventer au cas par cas, selon qu'il s'agisse d'une ressource locale ou globale, selon que les communautés arrivent à s'auto organiser pour prendre en charge un enjeu ou pas… avec parfois des coopérations indispensables avec la puissance publique (nous pensions au biens communs globaux par exemple) et parfois des affrontements en cours ou à prévoir (comme sur les questions de libertés publiques dans une société numérique)" précise, sagement, Valérie Peugeot, visiblement impatiente que les Communs deviennent une source d'inspiration pour renouveler l'imaginaire politique.
Et vous, cette approche vous parle-t-elle ?=)
http://villes.bienscommuns.org/Anne-Sophie Novel // @SoAnn sur twitter
Source :
http://alternatives.blog.lemonde.fr/2013/10/09/les-logiciels-libres-source-dinspiration-pour-les-villes/