
Pourquoi Intel va restreindre ses contributions à l’open source
L’annonce est passée presque inaperçue en dehors des cercles spécialisés, mais elle marque un tournant : Intel a décidé de restreindre ses contributions à l’open source. L’entreprise, longtemps considérée comme l’un des piliers du logiciel libre dans le monde industriel, change de cap. Désormais, le fondeur américain n’ouvrira plus systématiquement ses codes ni ses optimisations, à moins qu’ils ne renforcent directement ses propres produits ou avantages compétitifs.
Lors du Tech Tour d’Arizona, Kevork Kechichian, responsable de la division datacenter d’Intel, a confirmé, rapporte The Register, que le groupe devait “trouver un équilibre pour que l’open source serve avant tout Intel, et non ses concurrents”. En clair : trop d’investissements open source profitaient à AMD, Qualcomm ou ARM, sans retour direct pour l’entreprise. Cette orientation ne signifie pas un retrait total, mais un recentrage sur les contributions “rentables”, alignées sur les priorités commerciales et technologiques du groupe.
Ce virage se traduit déjà concrètement. En 2025, comme nous l’écrivions, Intel a mis fin au projet Clear Linux, sa distribution optimisée pour processeurs maison, tout en réduisant ses contributions à plusieurs pilotes et frameworks Linux. Plusieurs bibliothèques open source critiques liées aux accélérateurs Intel (QuickAssist, Data Streaming, etc.) ont été “orphelines” dans Debian et Ubuntu, faute de mainteneurs après les licenciements internes.
Une rupture dans la philosophie du libreCette évolution heurte la culture historique du logiciel libre, fondée sur la mutualisation et la réciprocité. Depuis des décennies, Intel participait activement à la Linux Foundation, aux projets open compute et à des frameworks comme oneAPI, profitant d’un cercle vertueux entre innovation partagée et adoption industrielle. En resserrant son périmètre, le groupe assume désormais une logique propriétaire et sélective, où l’open source devient un outil de différenciation, et non de diffusion.
“Nous restons profondément engagés dans l’open source”, a précisé un porte-parole, “mais nous concentrons nos efforts sur les domaines où cela met en valeur les atouts d’Intel.” Une position défensive, révélatrice d’un changement d’époque : l’open source n’est plus un horizon collectif, mais un levier stratégique soumis au retour sur investissement.
Quelles conséquences pour la communauté ?Le retrait partiel d’un acteur de la taille d’Intel pourrait fragiliser des pans entiers de l’écosystème Linux, notamment sur l’optimisation matérielle et les pilotes spécifiques. Si ces composants cessent d’être entretenus, les distributions devront compenser par leurs propres moyens – ou voir certains usages décliner. À long terme, la communauté pourrait choisir de forker certains projets, au risque d’accroître la fragmentation du code. Mais ce repli illustre aussi un mouvement plus large : celui d’un open source corporatif qui, à mesure que l’IA et le cloud deviennent stratégiques, se referme.
Source
https://goodtech.info