le Parlement européen s'oppose définitivement au traité anti-contrefaçon Acta
L'Expansion.com avec AFP - publié le 04/07/2012 à 17:37 - REUTERS/Vincent Kessler
Le Parlement européen, par une majorité écrasante, a mis un veto définitf à la ratification de ce texte contesté depuis toujours. L'un des points les plus controversés était la possibilité offerte aux FAI de donner aux ayants droit les adresses IP des internautes soupçonnés de téléchargement illégal.
Le vote du Parlement européen sonne le glas de la ratification du Traité ACTA
Le vote du Parlement européen sonne le glas de la ratification du Traité ACTA
REUTERS/Vincent Kessler
Cette fois, le débat est clos, du moins s'agissant de l'Europe. Le Parlement européen a mis son veto définitif mercredi à la ratification par l'UE du traité international anti-contrefaçon Acta, un vote salué comme une grande victoire par les défenseurs des libertés individuelles qui s'étaient massivement mobilisés contre ce texte. L'accord - signé par 22 des 27 gouvernements de l'Union européenne, ainsi que par dix autres pays dont les Etats-Unis, le Japon et le Canada - a été rejeté par un vote sans appel : 478 députés européens ont mis leur veto, contre 39 seulement qui voulaient laisser la procédure se poursuivre et 165 qui se sont abstenus.
Ce résultat, qui n'est pas une surprise, constitue un désaveu pour la Commission européenne. Elle avait exhorté cette semaine encore les élus à sauver l'accord, au nom de la défense des intérêts économiques des entreprises. "La mort d'Acta est une bonne nouvelle pour la démocratie", a commenté l'eurodéputé écologiste français Yannick Jadot, y voyant la preuve que "la culture, la connaissance, l'agriculture, la santé et les libertés publiques peuvent gagner face aux intérêts des grands groupes privés et à la criminalisation des citoyens". Depuis trois ans, des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre l'accord, et une pétition contre Acta a recueilli 2,8 millions de signatures. Les détracteurs du texte avaient pointé son caractère "trop vague" qui selon eux pouvait laisser craindre une criminalisation excessive des échanges, notamment sur internet. Ils craignaient également que le texte, sous couvert de lutter contre les médicaments contrefaits, restreigne l'accès aux médicaments génériques.
La ratification des autres pays signataires remise en cause?
En outre l'un des points les plus controversés était, selon les opposants, la possibilité offerte aux fournisseurs d'accès à l'internet de donner aux ayants droit des oeuvres culturelles les adresses IP des internautes soupçonnés de téléchargement illégal. Au nom des conservateurs, la Française Marielle Gallo a expliqué que cette crainte relevait de la "désinformation". Selon elle, l'entrée en vigueur d'Acta n'aurait pas entraîné de "criminalisation des jeunes adolescents qui téléchargent illégalement". Après le vote, elle a fustigé "un manque de courage politique face au fléau de la contrefaçon", qui selon elle fait perdre chaque année 250 milliards d'euros et 100.000 emplois aux entreprises européennes. Lors du débat, plusieurs députés ont souligné que, de toute façon, l'accord semblait mal armé pour atteindre ses objectifs de lutte contre la contrefaçon puisque la Chine et l'Inde, considérés comme les principales sources de produits contrefaits dans le monde, n'en étaient pas signataires.
Le commissaire européen chargé du Commerce, Karel de Gucht, a "pris acte" du choix des eurodéputés. Selon lui, ce vote n'enlève toutefois rien à la nécessité de "protéger partout dans le monde ce qui constitue la colonne vertébrale de l'économie européenne : notre innovation, notre créativité, nos idées et notre propriété intellectuelle". Le veto européen ne signe pas officiellement la mort de l'accord pour les autres pays qui l'ont signé, à savoir les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Corée du Sud, la Suisse, le Mexique et le Maroc. L'accord doit s'appliquer lorsque six Etats au moins l'auront ratifié, ce qu'aucun d'entre eux n'a fait pour le moment. "La question est de savoir si les autres partenaires ont un intérêt" à continuer la procédure, a souligné le juriste allemand Axel Metzger, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle. En outre, le veto européen risque de "faire vaciller le camp des défenseurs de l'accord" dans les autres pays, selon lui.